Tintin, le plus célèbre des reporters, aux 240 millions d’albums vendus dans le monde, est orphelin depuis quarante ans. Son créateur, Georges Rémi, s’est éteint en 1983. Mais quelles étaient les origines de « Hergé » ? Christian Chandon, généalogiste successoral et juriste à la société Coutot-Roehrig, nous propose la généalogie de Rosa Bonheur, qui fait figure de véritable icône féministe.


La famille.

Georges Prosper Rémi (1907-1983) naît le 22 mai 1907 à Etterbeek – aujourd’hui commune de la région Bruxelles-Capitale. Il est le fils aîné d’Alexis Victor Rémi (1882-1970), d’origine wallonne. Ouvrier imprimeur, puis employé dans une société de confection, il sera un des administrateurs de la société de son fils. La mère de Hergé, Élisabeth Dufour (1882-1946), dite « Zette », native de Bruxelles est elle d’origine flamande et travaillera comme ouvrière tailleuse. Mariés le 18 janvier 1905, Alexis et Élisabeth auront un autre fils, Paul Rémi (1912-1986). Officier de cavalerie, il sera déporté en Allemagne de 1940 à 1944. Également dessinateur, il est connu pour ses illustrations de chevaux (et aurait aussi servi comme modèle pour le personnage du colonel Sponsz dans l’Affaire Tournesol…).

Persuadée de la mort de son fils cadet, « Zette » sombrera dans une grave dépression et finira sa vie en asile psychiatrique.

Les débuts du dessinateur.

C’est dans la revue Boy-Scout, en décembre 1924, que Georges Rémi prend le pseudonyme de « Hergé », en inversant ses initiales. Dans les années 1930 il travaille pour des journaux, fait des publicités, illustre revues et romans. Il commence aussi son oeuvre de bande dessinée en prépubliant dans Le Petit Vingtième, en 1929 et 1930, Tintin au pays des Soviets, puis Tintin au Congo, Tintin en Amérique et Les Cigares du Pharaon, album qui clôt cette série d’aventures assez manichéennes avant les albums plus complexes qui suivront jusqu’en 1940 (Le Lotus Bleu, L’Oreille cassée, L’Île noire et Le Sceptre d’Ottokar). Hergé aura aussi créé d’autres personnages comme Quick et Flupke et Jo, Zette et Jocko, de moindre postérité.

Le rebond d’après-guerre.

Hergé poursuit les aventures de Tintin durant la guerre, avec pas moins de cinq albums paraissant cette fois dans Le Soir… ou « le Soir volé », le journal collaborationniste qui a remplacé le quotidien bruxellois.

À la Libération, cette proximité avec les milieux fascistes belges est reprochée au dessinateur. Notamment ses liens avec l’Abbé Norbert Wallez (1882-1952) patron du Vingtième Siècle – dont le supplément

Le Petit Vingtième a accueilli les premiers dessins de Hergé – mais surtout avec Léon Degrelle (1906-1994), fondateur du Parti rexiste, fasciste et collaborationniste. Hergé échappe de peu à l’épuration, sauvé par quelques relations. C’est l’éditeur Raymond Leblanc qui remet en selle Hergé après ses déconvenues. Il lance en 1946 le journal de Tintin. Directeur artistique, Hergé y peaufine la technique de « la ligne claire » et promeut ce style si caractéristique de la bande dessinée franco-belge. Avec à son actif, 24 albums historiques des Aventures de Tintin, Hergé sera à la tête d’un véritable empire.

Une ascendance paternelle plutôt trouble.

Un mystère subsiste autour de la naissance du père de Hergé et de celle de son oncle Léon Dewigne (1882- 1963), car c’est sous le patronyme « Dewigne » que naissent à Anderlecht les jumeaux Alexis et Léon en 1882. Léonie Dewigne ou Dewijn (1860-1901), la grand-mère de Hergé est originaire de Gistoux-Chaumont où elle est domestique chez le châtelain du coin.

La légende familiale rapporte que le père des jumeaux pourrait être le comte Gaston Errembault de Dudzeele (1847-1929), propriétaire du château, marié à Hélène Vanderheuden (1849-1900).

Une seconde hypothèse nous paraît plus réaliste. Celle d’un ébéniste bruxellois, Alexis Coismans (né 1858).

Ce lien généalogique paraît le plus probable à plusieurs égards : il est cité comme témoin majeur à la naissance des jumeaux le 1er octobre 1882 à Anderlecht, son nom est inscrit comme père sur leur acte de baptême, le 17 octobre de la même année, en l’église Notre-Dame immaculée. Leur parrain est Victor Coismans (frère d’Alexis) et la marraine Louise Vermeuleen.

Nous perdons ensuite la trace de ce père biologique autour de l’année 1883.

Léonie épouse par la suite, le 2 septembre 1893 à Ixelles, un certain Philippe Eugène Rémi (1870-1935), ouvrier imprimeur qui reconnaît les jumeaux, leur donnant ainsi son nom. La famille Dewigne/Dewijn donne de nombreux jardiniers, établis selon les époques à Chaumont-Gistoux, Bruxelles ou Auderghem.

On découvre de nombreux alliés à cette famille comme les Lebrun de Mélin, les Pardon de Heverlee ou les Bidoul/Bioul de Thorembais-lès-Béguines, au coeur du Brabant. On peut ajouter à cette liste les Jordans de Bruxelles, les Baudot de Dion-le-Val et Noville-lès-Bois en Brabant et la famille Bricart.

La lignée maternelle entre Anvers et Bruxelles. Élisabeth Dufour, mère de Hergé, est la fille de Joseph Antoine Dufour (1853-1914) un plombier de Bruxelles et d’Antoinette Roch (1854-1935) lingère bruxelloise.

L’arrière-grand-père, Joseph Dufour (1815-1860) est serrurier à Bruxelles en 1844, au moment de son mariage avec Anne-Marie De Hertogh (1822-1900), dentellière dans la capitale belge. On note des alliances avec les familles bruxelloises Geny/ Genij, les Roch, Malvaux, Walkens, Deswert (dont une des membres est la bisaïeule directe de Hergé, Marie Deswert (1825-1900).

Les alliances de Hergé, unions sans postérité. Hergé épouse Germaine Kieckens (1906-1995, alors secrétaire au Petit Vingtième) le 20 juillet 1932 à Bruxelles. Ils divorcent en mars 1977. Le 20 mai 1977, Hergé épouse Fanny Vlaminck (née en 1934, coloriste aux studios Hergé). Le couple n’aura pas non plus d’enfants.

La fin de Hergé et sa suite…

Après une semaine de coma, Hergé s’éteint le 3 mars 1983. Il est inhumé au cimetière du Dieweg, à Uccle.

Sa veuve Fanny Rémi fera vivre sa postérité, en créant en 1986 la Fondation Hergé. Remariée à Nick Rodwell en 1993, elle monte avec ce dernier la société Moulinsart SA en 1996. Et en 2009, elle pose la première pierre du Musée Hergé à Louvain-la-Neuve.

Celui qui a fait rêver des millions de lecteurs de 7 à 77 ans à travers le monde disait que « Les plus grandes aventures sont intérieures ».