Il y a deux cents ans, naissait à Bordeaux Rosa Bonheur, la peintre animalière la plus cotée de son temps, mais également grande sculptrice et féministe avant l’heure… Admise et formée dans l’atelier de son père, c’est lui qui lui fait découvrir Félicité de La Mennais et sa théorie de « l’âme des animaux ». Des animaux qui deviendront alors sa spécialité, en peinture comme dans ses sculptures. A l’occasion de cette journée internationale des Droits des Femmes, Christian Chandon, généalogiste successoral et juriste à la société Coutot-Roehrig, nous propose la généalogie de Rosa Bonheur, qui fait figure de véritable icône féministe.


Précoce, elle expose à 19 ans au Salon de 1841, obtient sa première médaille au Salon de 1845 et une médaille d’or au Salon de 1848 pour son tableau Boeufs et Taureaux, Race du Cantal. Cela lui ouvre la voie pour une commande d’État, qui donnera le Labourage nivernais, actuellement visible au Musée d’Orsay après avoir été au Musée du Louvre. À la mort de son père, elle lui succède à la tête de son école et poursuit ses voyages dans la France rurale, de l’Auvergne aux Pyrénées, pour s’en imprégner et la restituer dans ses oeuvres. Des tableaux qui connaîtront une notoriété croissante jusqu’à la fin de sa vie.

Plongeons donc dans l’arbre généalogique de Rosa Bonheur (1822-1899).

La ligne paternelle aux racines dans le Sud-Ouest : Marie-Rosalie Bonheur naît à Bordeaux (Gironde) le 16 mars 1822.

Elle est la fille de Raymond dit « Oscar » Bonheur (1796-1829), artiste peintre et professeur de dessin et de Christine Dorothée « Sophie » Marchisio dite Marquis (1797-1833) Rosa est l’aînée de quatre enfants, qui tous auront une activité artistique. Auguste (1824-1884) sera peintre paysagiste et animalier, Izidore (1827-1901), peintre et sculpteur et enfin Julie (1830-1891) également artiste peintre. Le premier ascendant connu, de façon certaine, de la famille est un certain Jean Bonheur (né vers 1680, décédé après 1746) – au nom parfois orthographié « Bonhour(e) ». Il est cuisinier, ce qui à l’époque doit s’entendre comme une sorte d’intendant au service d’une maison bourgeoise. Il convole le 11 février 1709, en la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse, avec Françoise Depigeron ou Pigeron (née vers 1690, décédée avant 1746). Et s’installe au fil du temps une vraie dynastie de cuisiniers. Ceux-ci quitteront Toulouse pour s’installer ensuite à Verdun-sur-Garonne. C’est là que le fils de Jean Bonheur, Guillaume Bonheur (1715-1778), aubergiste et cuisinier, épouse le 22 mars 1746 Marie Dussaut, ou Dussaud (née en 1714, décédée après 1778), fille de bateliers de la Garonne.

Leur fils – le père de Raymond – Etienne François Bonheur (1748-1829), parfois dénommé Jean-François, également cuisinier, se marie à Toulouse, toujours en la cathédrale Saint-Etienne, le 5 février 1778. Son épouse est une Auvergnate de Saint-Priest Bramefant (dans le Puy-de-Dôme), Marie-Eléonore Perard (ou Perar, Perart, Peyrard, Perrard, Peirard…).

Née vers 1750 et morte après 1804, elle est la fille d’un soldat, Antoine Perard (né vers 1720, mort après 1778) qui rentre invalide des guerres menées sous le règne de Louis XV et s’installe par la suite à Varenne-sur-Allier (Allier).

Une ligne maternelle aux origines mystérieuses :

La mère de Rosa, Christine Dorothée « Sophie », est pour sa part née en Allemagne, dans un quartier de Hambourg appelé Altona, le 2 mars 1797. Son acte de baptême mentionne ses parents : Laurent Modeste Antoine Marchisio et Marie-Anne Triling. Il s’agit probablement de Français émigrés au moment de la Révolution française et qui ont trouvé une terre d’asile dans la ville libre d’Altona.

Mais, à peine âgée de deux ans, la jeune fille est adoptée par une famille de riches commerçants bordelais, les Dublan de Lahet, descendants d’un notaire royal à Moulon (Gironde), Pierre Dublan (1650-1715). Nous ignorons jusqu’à ce jour ce qu’il est advenu de ses parents légitimes.

Son père adoptif (qui serait, selon certaines sources son véritable père), Jean-Baptiste Dublan de Lahet (1769-1830) et sa mère, Jeanne Guilhem (1780-1820), offrent en revanche, à l’évidence, une solide et belle éducation bourgeoise à Sophie. Celle-ci apprend la littérature, la poésie, le chant, la musique et la peinture bien sûr.

Un art qu’elle saura transmettre à ses enfants, dont sa fille Rosa. Mais elle ne les verra pas grandir. Sophie Bonheur s’éteint à l’âge de 36 ans, sans doute du choléra.

Devenu veuf, Raymond Bonheur se remarie en 1842 avec Marguerite Peyrol (1813-1883), avec laquelle il aura un dernier fils, Germain (1848-1881)… qui sera également peintre. Mais Rosa ne s’entend pas avec sa belle-mère et à la mort de son père, en 1849, elle quitte le domicile familial pour aller vivre chez les Micas.

Une famille qu’elle fréquente depuis plus d’une dizaine d’années déjà.

En 1836, trois ans après le décès de sa mère, Rosa fait en effet une rencontre déterminante, celle de Nathalie Micas, de deux ans plus jeune qu’elle, qui deviendra également peintre et, surtout, qui sera la compagne de Rosa durant plus d’un demi-siècle.

Ouvertement féministe et ne cachant pas son homosexualité, Rosa Bonheur s’habillait parfois comme un homme, de même que sa compagne – toutes deux ayant dû demander, et obtenir, une « permission de travestissement » afin de pouvoir porter un pantalon !

À la mort de Nathalie Micas, en 1889, Rosa se met en couple avec une autre peintre, l’Américaine Anna Klumpke, qu’elle instituera comme sa légataire universelle. Rosa Bonheur s’éteint le 25 mai 1899 des suites d’une congestion pulmonaire au château de By, à Thomery (Seine-et-Marne). Elle a alors 77 ans et n’a pas pu achever son dernier tableau, La Foulaison du blé en Camargue.

Peintre animalière par excellence, elle dira de son art : « J’avais pour les étables un goût plus irrésistibles que jamais courtisan pour les antichambres royales ou impériales. » Une belle approche, mise en pratique dans ses oeuvres pour la postérité.